Hello, ici Etienne,
J’espère que tu vas bien !
Voici quelques nouvelles avant de commencer cette lettre #6 :
Mon nouveau site internet est (enfin) en ligne 🙌
L’équipe du cabinet va encore se modifier. J’en reparlerai sur instagram.
Je me fais actuellement accompagner par une amie pour “éviter de devenir vieux trop vite”, notamment dans mon rapport au monde digital. D’où cette lettre 🥸
La promo #4 de la formation “Ostéo et sport” a terminé son 3ème séminaire. Les profils et sensibilités des participants sont très variés et cela contribue encore une fois à la richesse du groupe.
Pour réunir toutes les promos ainsi que quelques participants extérieurs, j’organise une formation extraordinaire en septembre 2024. Il reste actuellement 4 places… clique ici pour voir la description. Normalement tu n’as jamais vu ça de ta vie 👀
Dans cette lettre, tu trouveras comme d’habitude :
Un cas clinique 🤓
Deux sujets qui me font réfléchir en ce moment ⚒ (Mise en garde : je vous partage des réflexions personnelles issues de mon quotidien. Vous ne trouverez pas de vérités ici.)
Une réflexion en lien avec le cas clinique.
Mais avant de commencer, une dédicace à mes partenaires s’impose :
Le magasin “Comptoir du cycle” grâce à qui j’assume ma vie de bobo Lyonnais en roulant en Gravel à travers les rues de Lyon.
L’académie de la haute performance, avec qui je me forme en ce moment sur un modèle de préparation mentale qui me parait vraiment très pertinent ! Tu peux avoir des informations sur ce sujet en écoutant le podcast #89 avec Pierre David.
Cas clinique :
Il s’agit d’une patiente de 10 ans, qui consulte pour une douleur sur le bord latéral du pied, qui fait penser à une “douleur post-entorse”.
Or cette patiente ne s’est pas tordu la cheville et la douleur persiste depuis plusieurs semaines/mois, entrecoupée de périodes d’accalmie qui durent quelques jours.
La patiente décrit une sensation globale d’instabilité de cheville en expliquant “qu’elle vrille facilement”.
A l’examen clinique, on retrouve une douleur en regard du LTFA et à la contraction contre résistance des fibulaires.
A quoi pensez-vous ? 🤓
Indice : ce n’est pas facile et la plupart d’entre vous allez probablement (comme moi) apprendre quelque chose 🤝.
L’ostéopathe est il un artisan ?
“Sur les bancs de l’école à la Française, on a vite fait de perdre de vue la profonde interdépendance du langage et des gestes, et de considérer la main comme un organe simplement asservi au cerveau. J’étais un spécimen assez représentatif de cet oubli lorsque j’ai débarqué en formation. Bon élève, dressé à la supériorité de l’esprit tout-puissant, j’étais certain qu’il suffisait de bien analyser le geste à effectuer pour l’exécuter correctement. La déconvenue fut violente.” _Arthur Lochmann, La vie solide.
Ce témoignage est issu d’un livre dans lequel l’auteur raconte son passage depuis les bancs de la fac (la théorie) depuis lesquels il étudiait la philosophie, jusqu’au métier de charpentier (le terrain / la pratique).
Les parallèles avec ce que l’on vit en tant qu’ostéopathe sont d’une évidence telle que ce livre m’a passionné. Voici par exemple ce qu’il nous partage au sujet de l’intuition :
“Pour autant, il ne s’agit pas d’une aptitude magique ou innée. Bien au contraire, cette intuition est une conquête intellectuelle. L’intuition se travaille. Et dans cette élaboration, qui s’appelle l’expérience, la répétition des opérations joue un rôle décisif en permettant d’établir des liens cumulatifs entre les situations vécues et les solutions retenues. L’expérience consiste ainsi en un processus d’appropriation du vécu.”
De la même manière, lorsque le chirurgien cardiaque Jean Philippe Frieh parle de “l’oeil du maquignon” dans le podcast #57, ou encore quand Eric Solyom (chirurgien maxillo facial) s’enflamme à la fin de l’épisode #92 en expliquant à quel point il se considère comme un artisan, je ne peux m’empêcher de penser que l’ostéopathe fait également parti de cette “famille”.
Il existe cependant une différence majeure entre le charpentier, le chirurgien et l’ostéopathe.
Le premier travaille le bois. (Complexité niveau 1)
Le deuxième travaille sur un corps vivant mais endormi et n’interagit donc pas avec son patient. (Complexité niveau 2)
Le dernier travaille sur un système vivant avec lequel il interagit tout au long du traitement. (Complexité niveau 3)
“Un plat de spaghetti à la Bolognaise c’est complexe. Un moteur d’avion c’est compliqué”. On abordera la complexité dans une prochaine lettre 🤝
Bien que ces différences soient notables, des points communs essentiels sont à noter. En effet, ces activités impliquent :
le développement d’un savoir faire,
de la créativité,
la recherche de qualité.
“Le charpentier, la technicienne de laboratoire et le chef sont tous trois des artisans parce que tous sont attachés à l’excellence du travail en soi” Richard Sennett, “Ce que sait la main”.
Vous pouvez également noter que le mort “artisan” est à la base dérivé du terme latin “ars/artis” , signifiant “art” ou “habileté”. L’évolution sémantique a conduit à l’italien “artigiano” au Moyen Age, désignant une personne pratiquant un métier manuel nécessitant une certaine expertise technique.
Les parallèles entre l’artisan et l’artiste sont également très nombreux.
En tout cas, je lis en ce moment énormément sur la philosophie de l’artisanat et cela m’inspire énormément en tant qu’ostéopathe.
La démarche EBP va-t-elle tuer l’ostéopathie ?
C’est effectivement ce que l’on pourrait croire lorsque l’on passe trop de temps sur les réseaux sociaux, tant ces derniers peuvent parfois être agressifs et appauvrissants.
Pour creuser cette question, à défaut de scroller mon feed Instagram, je suis encore et toujours allé à la rencontre (physiquement) de personnes pour éclairer mes réflexions.
Pierre Luc Lhermite, ostéopathe et docteur en droit, souvent considéré comme un modèle pour les jeunes ostéopathes polarisés “EBP”, sera ainsi l’invité du prochain épisode du podcast “Et surtout la santé” .
Je précise “jeunes” car en général, après quelques années “de terrain”, les discours ont tendance à s’adoucir et retrouver le sens de la nuance !
Cette discussion avec Pierre Luc m’a clairement inspiré et confirmé le fait qu’il est possible d’avancer sur le chemin de l’ostéopathie, sans forcément se radicaliser et défendre corps et âme un “parti”, tel un homme politique en pleine campagne électorale.
Car selon moi, ce n’est pas l’EBP mais bien ce phénomène de radicalisation qui est à l’origine de l’appauvrissement de l’ostéopathie.
Ma récente rencontre avec Victor Lopez m’a également beaucoup apporté 💡
En plus d’être ostéopathe, Victor est aussi historien. Vous trouverez d’ailleurs notre conversation dans un prochain épisode du podcast, dans lequel nous parlons notamment de l’importance de la lecture.
En effet, la lecture permet de creuser les sujets d’une telle façon que l’on ne ressort en général jamais d’un (bon) livre en étant “polarisé” sur une idée, bien au contraire.
Pour résumer ma pensée quant à l’avenir de l’ostéopathie, je dirais qu’il peut être radieux si nous appliquons la formule suivante :
Prendre l’habitude de rencontrer des gens qui pensent différemment, avec l’intention sincère de comprendre leurs points de vue.
Rester humble. (Importance de se rappeler que l’on est tous le con d’un autre)
Prendre le temps de lire des livres, sur l’ostéopathie, mais pas que.
“J’ai très vite remarqué que tous les “mecs chauds” avaient un point commun : ils lisaient des livres” _Loic Rodrigues, ostéopathe Lyonnais qui explique comment et pourquoi il a commencé à lire des livres sur l’histoire de l’ostéopathie lorsqu’il était étudiant (dans le podcast “Soignant-soignés” de Baptiste Blanchard).
Je me permets ainsi quelques recommandation de lectures pour ceux qui veulent creuser ce sujet passionnant qu’est l’artisanat :
“La vie solide” d’Arthur Lochmann. Facile à lire et particulièrement profond.
“Ce que sait la main” de Richard Sennett. Un peu plus long mais passionnant.
“Eloge de la main” de Jean-Philippe Pierron. Très court, une pépite.
Et pour l’ostéopathie, je vous recommande :
“Mythologies ostéopathiques”, le petit dernier de Pierre Luc Lhermitte et Cie.
“Techniques ostéopathiques d’équilibre et d’échanges réciproques” de Jacques Andreva Duval. Mon livre préféré en ostéopathie.
Parmi des dizaines d’autres 🤓
Donc non, l'approche EBP ne devrait pas tuer l’ostéopathie, car comme l’expliquent Pierre Luc et Victor, il ne faut pas oublier que la science regroupe aussi des disciplines passionnantes comme l’anthropologie, la sociologie, la phénoménologie… qui ont elles aussi le pouvoir de nuancer nos esprits.
Pour cela, je ne peux m’empêcher de vous conseiller le livre “Anthropologie du corps et modernité” de mon ami David Le Breton.
Bonnes lectures à vous 🙏🏼
Suite du cas clinique :
Ce n’est pas moi mais l’IRM qui a trouvé la source du problème de notre jeune patiente.
Les anglais appellent cette problématique le “T.L.A.P” (too long anterior process), que l’on peut traduire en Français comme “Bec calcanéen trop long”.
Ce bec calcanéen trop long est en fait une sorte de pont fibreux/osseux anormal entre le calca et le naviculaire. Les deux os devraient normalement bouger l’un par rapport à l’autre via une articulation. Encore une problématique de restriction de mobilité 😜 J’ai sorti mon pied en plastique pour vous montrer la zone de conflit :
Il s’agit donc d’une pathologie dite de coalition.
Concernant le diagnostic, notez que :
La radio standard est un piège. En effet, la radio « face- profil classique » ne montre pas forcément ce que l’on cherche… Il faut un cliché « de 3/4 » ou «oblique plantaire déroulé du pied (OPDP) ». Cela permet de mettre en évidence le pont osseux complet (ou en cours) calcanéo-naviculaire.
Comme d’habitude, le traitement est dans un premier cas orthopédique, puis chirurgical si ce dernier ne fonctionne pas.
Enfin, sachez que :
Si vous êtes ostéopathes et que vous voulez plus de cas cliniques, je vous invite à vous intéresser au programme de la formation “Ostéo et sport” que j’anime (en partie).
Si vous êtes médecin/kiné/ostéo ou autre et que vous aimez l’idée d’évoluer en tant que clinicien, vous pouvez aussi regarder cette formation de 3 jours qui aura lieu en septembre dans la magnifique ville de Lyon.
A bientôt et bonne semaine,
Etienne.